A l'occasion d'un entretien obtenu le 22 février 2024 au Haut-commissariat de Nouvelle-Calédonie, avec M. Amerouche, Conseiller du Ministre de l'Intérieur, nous lui avons remis la pétition rassemblant plus de 21 000 signatures demandant le dégel du corps électoral provincial.

La majorité silencieuse a par ce geste exprimé sa volonté de rouvrir le corps électoral provincial pacifiquement, gelé en 2007 à la liste des personnes présentes avant novembre 1998 en Nouvelle-Calédonie.

Le dégel du corps électoral à 10 ans glissants engagé par le gouvernement et nécessitant une révision constitutionnelle est un bon début mais il faudra aller plus loin dans le futur statut qui n'arrivera que dans quelques années, selon toute vraisemblance, approuvé par une révision constitutionnelle une fois de plus.

Voici les propositions que nous avons transmises au cabinet du Ministre de l'Intérieur, ainsi qu'au Sénateur François-Noël Buffet le 17 mars 2024, lors de la venue de la délégation sénatoriale à Nouméa.

Nous proposons que le futur statut de la Nouvelle-Calédonie dispose d'une liste électorale unique pour toutes les élections de personnes, la liste générale, selon l'article L-11 du code électoral (inscription après 6 mois de résidence dans sa commune), pour revenir au suffrage universel non restreint comme le prévoit notre Constitution, et par conséquent pour participer aux élections provinciales et du Congrès.

Nous proposons de dissocier la citoyenneté calédonienne du droit de vote aux élections provinciales comme le souhaite la population calédonienne selon l'étude de l'Institut Quid Novi en 2021 en fonction de leur tendance politique :

62% pensent que TOUS peuvent voter aux élections provinciales dont 53% chez les partisans de l'indépendance et paradoxalement, 35% seulement sont pour une citoyenneté ouverte à tous, liée à la protection de l'emploi local, alors que la Loi en vigueur associe la citoyenneté calédonienne aux électeurs inscrits sur la liste électorale spéciale aux élections provinciales (LESP).

(sondage commandé par l'Etat et toujours disponible sur le site du Haut-commissariat NC) https://www.nouvelle-caledonie.gouv.fr/Publications/Contributions-a-la-consultation-de-la-societe-civile-sur-l-avenir-institutionnel/La-demarche-d-ecoute-profonde

Nous proposons que dans le futur statut institutionnel, la citoyenneté calédonienne soit associée à la liste électorale spéciale de consultation, (LESC) acquise après un nombre d'années de résidence à définir, pour participer à d'éventuelles prochaines consultations sur l'autodétermination. 

Ces propositions permettraient à la fois à tous les citoyens français résidant en Nouvelle-Calédonie de participer aux élections provinciales pour élire leurs représentants, et de leur offrir s'ils le souhaitent ou pas, le choix de devenir citoyen calédonien après un certain nombre d'années de présence en Nouvelle-Calédonie, sans pour autant déroger à l'article 14 de la DDHC de 1789 (consentement à l'impôt) et l'article 3 de notre Constitution. 

En cas d’accession à la pleine souveraineté , cette citoyenneté se transformerait en nationalité du nouveau pays, selon l'esprit de l'Accord de Nouméa. 

Ces  propositions ont l'avantage d’être conformes aux principes fondamentaux de la République tout en prenant en compte la revendication d'autodétermination également inscrite dans notre Constitution. 

Et le Sénateur nous a demandé : "Qu'en pense le Ministre ?"

Le Conseiller du Ministre de l'Intérieur nous a indiqué que malheureusement, aucun élu du Congrès de la Nouvelle-Calédonie n'avait proposé ces solutions.

C'est la raison pour laquelle nous nous présentons devant vous, leur a-t-on répondu, en tant que citoyens.

Faudra-t-il attendre quelques années supplémentaires une autre révision constitutionnelle, qui sera nécessaire pour approuver le nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie pour proposer ces solutions, ou sont-elles proposables dès cette année, par un amendement lors de la révision constitutionnelle prévue en 2024 sur le dégel du corps électoral ?

 Le dégel du corps électoral, qui ne fera que lui rendre sa forme restreinte votée en 1998, exigeant 10 années de résidence pour avoir le droit de choisir ses représentants au Congrès qui calculent l'impôt, mais que tous les citoyens français résidant en Nouvelle-Calédonie exclus du droit de vote sont obligés de payer. Quid de l'article 14 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 consacré au consentement à l'impôt ?

Enfin, si la citoyenneté calédonienne était maintenue dans le nouveau statut, la perte de la nationalité française aux citoyens calédoniens et à leurs enfants en cas d'accès à la pleine souveraineté ultérieurement, devra bien leur être expliquée par l'Etat et comprise par tous. (code civil, art.32-3) [1]

 

Stéphane Quinet, Vice- Président du Mouvement des Citoyens Français de Nouvelle-Calédonie (MCF NC)

[1] Tout Français domicilié à la date de son indépendance sur le territoire d'un Etat qui avait eu antérieurement le statut de département ou de territoire d'outre-mer de la République , conserve de plein droit sa nationalité dès lors qu'aucune autre nationalité ne lui a été conférée par la loi de cet Etat. Conservent également de plein droit la nationalité française les enfants des personnes bénéficiaires des dispositions de l'alinéa précédent, mineurs de dix-huit ans à la date de l'accession à l'indépendance du territoire où leurs parents étaient domiciliés.