Bonjour Madame, Monsieur,

Je vous prie de bien vouloir prendre connaissance de la la lettre que nous avons adressée à M. le Ministre de l'Intérieur :

"Monsieur le Ministre,

Notre association « Association des Citoyens Français de Nouvelle-Calédonie » (ACF NC) défend le droit de vote aux élections provinciales des 41.000 Français résidant en Nouvelle-Calédonie qui en sont exclus depuis plus de 24 années, sachant que ces mêmes citoyens français peuvent élire leur maire et leur député en Nouvelle-Calédonie.

L’Accord de Nouméa avait fixé les conditions pour permettre à une partie des citoyens français calédoniens de choisir soit de rester dans la France, soit d’obtenir la pleine souveraineté. Par trois fois, les Calédoniens habilités à donner leur avis ont choisi de rester dans la France et le processus d’autodétermination prévu par l’Accord de Nouméa est désormais arrivé à son terme.

Le titre XIII de notre Constitution fût écrit afin de limiter temporairement les droits de vote de certains citoyens français et de créer une citoyenneté calédonienne ayant vocation à se transformer en nationalité en cas d'accession à la pleine souveraineté. Tout l’Accord a été bâti dans la perspective que le territoire deviendrait indépendant et des dérogations avaient alors été admises par le Conseil Constitutionnel en 1999 parce qu’il s’agissait de dispositions transitoires et c’est d’ailleurs ce qui est inscrit dans le titre XIII de notre Constitution.

L’Etat a ainsi affirmé qu’il fallait réunir le Congrès de Versailles en 2024 pour modifier la Constitution et définir des règles institutionnelles définitives pour le territoire au sein de la République.

Dès lors se pose la question du droit de vote aux élections des conseillers des Provinces et du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Or, selon l’article 3 de la Constitution, ce droit est afférent à la citoyenneté française et ne peut être confisqué dans des dispositions qui ne seraient pas transitoires.

Cependant, l’Etat propose d’introduire dans la Constitution, dans un nouveau titre XIII remanié, une citoyenneté calédonienne dans la citoyenneté française, afin d’associer à cette citoyenneté calédonienne un droit spécifique dérogatoire du droit commun : le droit de vote aux élections provinciales.

Ainsi des conditions de résidence seront exigées pour avoir le droit de vote aux élections provinciales, conditions qui n’existent pas pour les élections municipales ou législatives, qui sont aussi des élections pour désigner des représentants locaux.

Il est également à noter que les citoyens français exclus de ce droit de vote aux élections provinciales sont également exclus de choisir leurs représentants pour voter les impôts de compétence calédonienne, en contradiction avec l’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (DDHC) qui a valeur constitutionnelle, et ils pourraient, de fait, ne plus consentir à l'impôt dans le nouveau statut.

Au-delà de cette aporie qui met en lumière le fait que certains élus locaux sont élus par tous les citoyens français, alors que d’autres le sont sur une liste restreinte et si l’on ajoute le fait d’inscrire dans la Constitution une citoyenneté calédonienne qui exclut du suffrage universel des citoyens français qui ne pourront pas élire leurs représentants et leurs gouvernants, alors on dévoie l’article 3 de notre Constitution et on trahit l’article 1er qui précise que la France est une et indivisible.

Par ce biais, l’Etat ouvre une boîte de Pandore qui conduira inéluctablement à un Etat fédéral. Parce qu’il s’agit d’une modification très profonde de notre société qui dépasse largement le contexte calédonien, seul le Peuple français, parce qu’il est souverain, conformément à l’article 2 de notre Constitution, peut se prononcer sur la question.

Pour toutes ces raisons, nous considérons que l’Etat s’engage dans une voie dangereuse pour la stabilité de toutes nos institutions, alors nous proposons une liste électorale unique pour toutes les élections de personnes, afin de revenir au suffrage universel inscrit dans notre Constitution.

Par ailleurs, s’agissant de l’autodétermination toujours revendiquée, nous proposons une liste électorale spéciale associée à une citoyenneté calédonienne acquise après un nombre d'années de résidence à définir, pour participer à d'éventuelles prochaines consultations.

Ces deux propositions permettraient à la fois à tous les citoyens français résidant en Nouvelle-Calédonie de participer aux élections locales pour élire leurs représentants, et de leur offrir s'ils le souhaitent, l'opportunité de devenir citoyen calédonien après un certain nombre d'années de présence en Nouvelle-Calédonie, sans pour autant déroger à l'article 14 de la DDHC de 1789 (consentement à l'impôt) et l'article 3 de notre Constitution.

En cas d’indépendance, dans le futur, cette citoyenneté se transformerait en nationalité du nouveau pays, selon l'esprit de l'Accord de Nouméa.

Ces propositions ont l'avantage d’être conformes aux principes fondamentaux de la République tout en prenant en compte la revendication d'autodétermination également inscrite dans notre Constitution.

Monsieur le Ministre, nous aimerions avoir l’honneur d’être reçus lors de votre prochaine venue, afin d’exprimer toutes nos craintes sur le déroulement actuel des négociations concernant le territoire sur lequel nous vivons et avons nos principaux intérêts matériels et moraux.

Je vous remercie de l’attention que vous allez apporter à notre requête et je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de ma très haute considération.

Stéphane Quinet, président de l’ACF NC".

Nous n'avons pas eu d'entretien avec des membres du cabinet du Ministre, mais vu l'attitude de l'UC, nous comprenons les contraintes de son agenda.

Bien à vous,

Stéphane Quinet, Président d'ACF NC et vice président du MCF NC