LE MINISTERE PUBLIC

 

Le 26/02/2022

Nous avons déjà vu les statistiques de la délinquance et vous savez qu’il s’agit en fait des statistiques de service des unités en relation avec les infractions – c’est un peu différent – nous avons dégrossi la chaîne pénale et identifié les maillons faibles, nous avons abordé un sujet important celui de la territorialité de la délinquance en inadéquation avec les territoires administratifs et judicaires.

Cette base d’informations, va nous permettre de parler des hommes qui participent à cette « œuvre de justice » et de leur environnement ; les tribunaux de justice et les cours (tribunaux de justice, cours d’appels, d’assises et de cassation) sont ces « environnements » et seront traités de façon incidente.

On parle souvent du procureur de la République, mais en fait il faudrait parler du « Ministère public » car c’est dans ce ministère que l’on trouve l'ensemble des magistrats qui dans une juridiction sont chargés de défendre les intérêts de la collectivité nationale. On l’appelle aussi de façon usuelle le "Parquet".

Quelle est la mission du Parquet ?

Les magistrats du Parquet sont chargés de requérir l'application de la loi et de conduire l'action pénale au nom des intérêts de la société.

Allons un peu plus dans le détail de cette mission globale pour examiner les différentes  actions exercées.

Cela prend la forme d’activités diverses :

  • Exercice de l’action pénale selon le principe de l’opportunité des poursuites, en application de la politique pénale dont les orientations sont définies par le Gouvernement.
  • Exécution des décisions pénales définitives.
  • Protection de l’enfance en danger.
  • Intervention dans certaines procédures civiles, quand la loi le prévoit et pour la défense de l’ordre public.
  • Participation aux politiques publiques locales en matière de sécurité et de prévention de la délinquance.

L’exécution de la mission implique une organisation est des moyens que nous allons successivement aborder.

Organisation du Parquet

Le parquet désigne l’organisation, au niveau du tribunal judiciaire[1], de l’ensemble des magistrats du ministère public. 

Dans chaque tribunal judiciaire, le parquet comprend un procureur de la République, éventuellement assisté de procureurs adjoints, de vice-procureurs et de substituts. Le parquet est chargé de la représentation du ministère public auprès du tribunal correctionnel, des juridictions pour mineurs, du juge d’instruction et des formations civiles du tribunal.

À l’échelle de la cour d’appel, le parquet est dit "général" et il comprend un procureur général (PG) assisté d’avocats généraux qui, en dépit de leur nom, ne sont pas des avocats mais des magistrats. L’ensemble des magistrats d’un même parquet est indivisible et substituable, ce qui signifie que chacun d’entre eux peut représenter indifféremment le ministère public au cours de la procédure.

Concernant la Cour d’assises, il n’y a pas de parquet spécifique : c’est le parquet général près la cour d’appel dont « dépend » la cour d’assises qui se charge des affaires soumises à cette cour ; exemple le Parque général près de la Cour d’appel de Nouméa pour la Cour d’assises de Nouméa.

Composition du parquet près le tribunal de Justice

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Du bas vers le haut, nous trouvons le tribunal de police (tribunal d’instance) qui statut sur les infractions de nature contraventionnelle, le ministère public est représenter par le commissaire de police.

 

Le tribunal correctionnel au sein du tribunal de justice, traite des délits.

Le tribunal correctionnel est composé de magistrats « assis » au nombre de trois, un président et deux assesseurs, d’un greffier et bien sûr et d’un représentant du Ministère public en la personne du procureur de la République.

Comme indiqué dans le schéma à gauche, les juridictions pénales  sont hiérarchisées.
Le tribunal correctionnel ou de justice (nouvelle appellation) est placé sous la Cour d’appel et celle-ci sous la Cour de Cassation qui est la plus haute instance pénale.

Parallèlement, nous avons la Cour d’assises qui traite des affaires criminelles, qui est placée sous la Cour d’assises d’appel et sous la haute autorité de la Cour de Cassation.

La Cour d’assises juge des affaires criminelles, elle est composée de trois magistrats (un président et deux assesseurs), d’un greffier et d’un avocat général, terme spécifique utilisé au procès devant la Cour d’assises.

Philippe Bilger | "Ni Dieu, ni Maitre, ni nageur, ni Marx… L'empire du Bien  triomphe, il devient urgent de le saboter"

Philippe Bilger défend les peines plancher et, du moins au début, la suppression du juge d'instruction.

Les peines planchers ou peines minimales, sont des peines incompressibles imposées par la loi, copie du système anglo-saxon, très critiquées par la gauche car ce principe est en opposition avec celui de l’individualisation des peines.

S'agissant de cette dernière réforme, il indique qu'à ses yeux, elle devrait être assortie d'une réelle indépendance structurelle du parquet, estimant que cette réforme permettrait de « sortir d'une justice d'autorité pour entrer dans une justice de contradiction et d'explication ».

En fait, il défend le système anglo-saxon qui est bien plus dans le contradictoire que le système français.

Ce magistrat a été avocat général près de la cour d’assisses de 1999 à 2009, date de sa mise à la retraite.

La cour d'assises d'appel est une juridiction créée par la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence. Elle est compétente pour statuer sur les appels formés contre les arrêts rendus par la cour d'assises statuant en première instance.

Son rôle est de rejuger entièrement chaque affaire sur le fond, c'est-à-dire qu'elle n'a pas à s'appuyer sur le jugement rendu en premier ressort pour rendre son verdict.

Les réformes judicaires engagées dans les années 2000 sont conduites par des gouvernements socialistes et portent notamment sur la présomption d’innocence et sur la détention qui ne sera plus de la compétence du Juge d’instruction (JI) mais du juge de la détention et des libertés (JDL). Nous sommes face à des réformes idéologiques où l’auteur est bien plus important que la victime.

 

Une organisation judiciaire pénale hiérarchisée et politisée

LE JUGE PARTIAL OU ARBITRAIRE

En janvier 2018, devant la Cour de Cassation, Emmanuel Macron avait annoncé la couleur : "Le parquet à la française se doit d’être rattaché à la garde des Sceaux". C’est ce qu’il appelle de l’indépendance !...

"Qui pourrait assurer la politique pénale en autonomie complète ? A la fin tout doit procéder quelque part de la légitimité du peuple".

Ben voyons donc, alors revenons-en à ce que les révolutionnaires avaient voulu faire à savoir élire les magistrats !...Car c’est Napoléon qui a changé la règle !...

Le chef de l’Etat avait toutefois indiqué qu'il fallait "assurer plus clairement l’indépendance" du parquet "en nous arrêtant au bon endroit". La transparence et la clarté ne sont pas ses qualités premières…Au fait quelle est le bon endroit ? Sait-il de quoi il parle ?

Pour cela, Emmanuel Macron avait préconisé d'inscrire dans la réforme constitutionnelle "des garanties supplémentaires pour les nominations". Encore une promesse qui ne coûte pas cher, mais pour qu’elles sont les garanties supplémentaires dont il parle ?...

Pour autant, l'exécutif ne s'est pas privé ces dernières semaines d'exercer son droit de regard sur l'une des plus importantes nominations de la chancellerie : celle du procureur de Paris. Celui-ci sera chargé de prendre des réquisitions dans plusieurs affaires sensibles pour l'exécutif (Bayrou, Pénicaud, Nyssen, Benalla). Il est aussi chargé des affaires de terrorisme jusqu'à la création du nouveau parquet antiterroriste. Selon Le Canard enchaîné, un nouvel appel à candidatures a été lancé car le président de la République Emmanuel Macron a "biffé les noms des trois candidats au poste de procureur de Paris, poste stratégique s'il en est".

"Du jamais vu dans les annales judiciaires", écrit le journal satirique. 

"Le mec est dingue. Il fait ce qu'il veut, ne se soucie même pas de faire passer Nicole Belloubet pour une ministre sans pouvoir, et incapable de choisir la bonne personne", s'indigne un haut magistrat dans le Canard.

 

Épinglé par Alain sur humour et politique | Dessin de presse, Dessin, Mon  quotidien

De Nicole Belloubet à Eric-Dupont Moretti des choix judicieux !...

« Jamais je ne serais ministre de la justice même si on me le demandait » disait-il la main sur le cœur !... Il disait aussi et il avait raison que « ce serait une grave erreur si on lui proposait un tel poste ».

Oui cela a été une grave erreur qu’il a acceptée !...

C’est formidable, nous sommes dans du vaudeville tragi-comique.

En fait, il avait besoin pour arrêter l’enquête du parquet financier qui le visait d’avoir le soutien du Chef de l’Etat et il l’a eu. La contrepartie est de faire le sale boulot contre tous ceux qui veulent s’en prendre à Jupiter !...

Cela s’appelle un PACTE…

politique humour et divers - Page 10

Selon la magistrate Laurence Blisson[2] "Notre système actuel de nomination permet d'avoir un lien très direct entre l'exécutif et les personnes nommées".

"Le président de la République estime qu'il doit pouvoir faire les carrières des procureurs", critique-t-elle.

"Il faut pouvoir retirer au pouvoir exécutif le pouvoir de nomination." 

Pour Céline Parisot, secrétaire générale de l'Union syndicale des magistrats (syndicat majoritaire), "la méthode démontre qu'il y a un problème avec l'indépendance du parquet, que personne ne veut réformer".

 

Nous pourrions aller plus dans les détails procéduraux et viser de nombreux articles du CPP, mais tel n’est pas le propos de cet article. Le but est de vous faire découvrir pour certains, préciser pour d’autres que notre système pénal va mal, très mal.

Dire que nous avons la justice que nous méritons est vrai, mais seulement en partie, car le peuple de France n’a pas demandé à ce que notre justice soit dans un tel état. Le peuple lorsqu’il donne mandat à ses représentants c’est pour qu’ils améliorent son quotidien, que les grands services régaliens de l’Etat fonctionnent correctement, or tel n’est pas le cas.

Le garde des Sceaux annonce pour 2022, une augmentation du budget de la justice comme jamais faite précédemment, plus de 8%, mais 8% de quoi au fait ?

Voici, à titre d’exemple, ce que certains pays de l’UE allouent à leur justice[3] par habitant (chiffres 2018) :

  1. La Suisse est de loin le pays européen, hors UE, qui investit le plus d’argent pour chaque habitant dans son système judiciaire. Avec une dépense de 220,6 euros/habitant
  2. le Luxembourg : 163,5 euros ;
  3. l’Allemagne : 131,2 euros ;
  4. L’Autriche : 124,9 euros ;
  5. L’Espagne : 92,6 euros ;
  6. L’Italie : 83,1 euros ;
  7. La France : 69,9 euros ;
  8. La médiane européenne = 59,5 euros
  9. La Roumanie : 42,6 euros ;
  10. La Bulgarie : 42,3 euros ;
  11. La Lituanie : 41,5 euros.

magistrat | Les humeurs d'Oli

Toutes les réformes engagées, notamment celle du garde des sceaux Nicole Belloubet, ne doivent pas nous égarer : 

Notre justice est en faillite !...

Avec 8% d’augmentation du budget pour 2022, si nous l’appliquons à l’allocation réelle à savoir 59,5 €/habitant, nous obtenons la somme de 64,26%, nous sommes encore loin, très loin de l’Italie et de l’Espagne. Mais cette augmentation n’est pas appliquée à la globalité du budget de la justice…

Quand on ne peut pas refaire les murs on y met une couche de peinture, durera le temps que cela durera …

La réforme du 23 mars 2019 est une réforme de gestion à courte vue, un coup de communication.

Les Tribunaux d’instance et Tribunaux de Grande Instance sont absorbés par le nouveau tribunal judiciaire. Mesure phare et symbolique de la réforme…

Ce tribunal devient la juridiction de principe pour toute matière, à l’exception de celles dévolues à certains tribunaux spécifiques lesquels sont maintenus pour l’essentiel, à savoir les tribunaux de commerce, conseils de prud’hommes, et tribunaux paritaires des baux ruraux.

Création des chambres dites de « proximité »

L’une de ces nouvelles chambres les plus emblématiques est celle dite « de Proximité » instituée pour l’essentiel pour connaître de l’ensemble des matières anciennement dévolues aux tribunaux d’instance.

Concrètement, le principe est le suivant : les Tribunaux de Grande Instance absorbent les Tribunaux d’instance lorsqu’ils sont situés dans la même ville. En revanche, dans les communes où il n’y a pas de Tribunal de grande instance, le Tribunal d’instance devient le Tribunal ou la chambre de proximité.

Ainsi à Paris, l’ancien Tribunal de grande instance a absorbé les anciens Tribunaux d’instance et regroupé ses anciennes attributions sous un pôle spécifique unique, intitulé Pôle civil de proximité du tribunal judiciaire.

 

En termes de cuisine c’est ce que l’on appelle une recette revisitée. Ca a le goût d’une réforme, cela ressemble à une réforme, mais ce n’est pas une réforme c’est juste une façon de ventiler les affaires pour faire des économies d’échelle. Le souci de nos gouvernants étant de gérer les services publics comme des entreprises privées…

La gendarmerie a fait la même chose avec ses bridages de proximité rattachées à une « brigade mère ». La brigade de proximité ferme tous les soirs et renvoie les appels sur la brigade mère. Et ils ont osé appeler ça une réforme…

 

Bref, pour toux ceux qui voudraient en savoir plus, la réforme de cette organisation judiciaire sont :

 

Les articles L. 211-9-3 et suivants du Code de l’organisation judiciaire

Selon le Conseil constitutionnel (CC), en désignant une seule juridiction compétente, le législateur « a entendu décharger les autres juridictions d’un contentieux de masse et en faciliter le traitement » ; il a ainsi poursuivi « un objectif de bonne administration de la justice ».

 

Le volume d’affaires à traiter augmente régulièrement d’année en année, car notre système à l’instar de celui des anglo-saxons ne cesse de se judiciariser. Le CC est dans l’erreur lorsqu’il affirme que cette réforme a pour objectif une bonne administration de la justice.

C’est une justice exsangue, tant au plan financier qu’au plan humain.

Il est encore trop tôt pour faire un bilan objectif de cette réforme, qui n’en est pas une, mais gageons que d’autres viendront pour améliorer la précédente, comme d’habitude…

Coluche aurait dit en parlant de cette réforme « c’est un emplâtre sur une jambe de bois »…

 

En conclusion

Les praticiens et justiciables ne devraient pas rencontrer des difficultés pour prendre leurs repères au sein de cette nouvelle organisation judiciaire.

En fait, la réforme organise un transfert de compétence relativement simple  TGI et TI = Tribunal judiciaire. Ce qui relevait autrefois du TI sera traité par une chambre ou un pôle spécialisé dénommé « de proximité ». Le même juge reste saisi, et se nomme désormais « Juge des Contentieux de la protection ».

 

Cette relative simplicité apparaît d’ailleurs dans les mesures transitoires qui n’ont pas été utiles s’agissant des procédures en cours devant le TGI dans la mesure où le regroupement des compétences des tribunaux d’instance et de grande instance au sein du tribunal judiciaire emporte un simple changement de dénomination et non la création d’une nouvelle juridiction. Les actes de procédure à compter du 1er janvier 2020 devront simplement mentionner le nouveau nom de la juridiction.

 

Pour terminer ce chapitre, nous constatons qu’année après année, réformes après réformes, notre justice se porte toujours aussi mal, voire plus mal.

Malgré les 8% d’augmentation annoncée par le garde des sceaux, nous sommes loin, très loin de nos voisins italiens et espagnols.

Régulièrement la Cour de Justice Européenne condamne la France pour la lenteur de sa justice, notamment dans le cadre des affaires pénales criminelles.

En fait, nous avons la justice que nos dirigeants veulent pour nous et pour eux.

 

Le rôle de l'Etat selon Rousseau: égalité des droits ou égalité de  situations? – Philosophie

Péji - Caricature : Nicolas Sarkozy échappe à la justice | Caricature,  Pauvre france, Caricatures

 

Rendez-vous au prochain article qui traitera des appels dans le cadre de la procédure pénale. Des surprises vous attendent !...

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Antoine GIL

 

[1] Anciennement le Tribunal de grande instance (TGI)

[2] Secrétaire générale du syndicat de la magistrature

[3] Sources site « toute l’Europe »